Dans un monde numérique où le contenu règne en maître, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Valérie Hameau de Dixxit, l’agence éditoriale web parisienne dont elle est directrice générale adjointe.

Elle nous livre ses réflexions sur l’évolution de la rédaction web et l’importance de l’authenticité dans un contexte éditorial de plus en plus saturé.

Bonjour Valérie ! Peux-tu nous décrire ton parcours professionnel et ce qui t’as poussée à rejoindre Dixxit ?

Bonjour ! Après des études en lettres modernes et communication digitale, j’ai débuté ma carrière en 2000, en agence. J’ai commencé comme conceptrice-rédactrice web dans une filiale de Publicis spécialisée en communication RH. La conception-rédaction m’a captivée, bien que je l’aie découverte par hasard parce que j’ignorais ce que c’était à l’époque. La rédaction web en était à ses balbutiements, mon poste s’est construit de manière très empirique, en inventant les livrables au fur et à mesure.

J’ai poursuivi mon parcours dans plusieurs agences jusqu’à mon arrivée chez Dixxit en 2005 en tant que cheffe de projet éditorial. L’agence est née en 1999 autour d’un positionnement hyper pointu sur l’éditorial web. Très visionnaire ! Avec des clients grands comptes dans tous les secteurs d’activité et des problématiques très diverses, j’ai énormément appris et aiguisé mon expertise. J’ai évolué chez Dixxit jusqu’à devenir directrice conseil associée.

Puis j’ai quitté Paris pour Toulouse, où j’ai dirigé le pôle digital d’une ESN pendant cinq ans. Une expérience très formatrice et riche là-aussi, mais le volet éditorial me manquait. J’ai saisi l’opportunité de revenir chez Dixxit, tout en créant l’antenne de Toulouse… et je suis absolument ravie de cette évolution !

Quelles sont les missions principales d’une agence éditoriale ?

Différentes problématiques peuvent amener un client à faire appel à une agence éditoriale. Quelques exemples. Besoin de prendre du recul sur ses contenus après des années de publication. Besoin de redonner du souffle ou du sens à une stratégie qui a perdu ses objectifs. Besoin d’inventer de nouveaux dispositifs parce que les attentes de cibles évoluent ou parce que l’offre de services change. Besoin de renforcer son équipe pour produire davantage de contenus ou des formats que l’on n’a pas les moyens de produire soi-même, etc. Tu l’as compris, nos missions sont larges ! Elles vont de la définition de stratégies éditoriales à la conception de dispositifs, de la production de contenus à l’analyse des performances, en passant par la formation, et ce sur tous les canaux numériques.

Comment mettre en place une stratégie éditoriale ?

Nous avons une approche « user centric ». Nous partons toujours de la cible et de ses besoins et attentes en termes de contenu. Qui sont les internautes que nous visons ? Que cherchent-ils ? Comment expriment-ils leurs demandes ? Quels sujets les intéressent ? Quels formats ont-ils l’habitude de consommer ? Dans quel contexte ? Pour le définir, nous nous appuyons sur des études sociologiques, des résultats de tests et d’enquêtes, les analytics, etc.

Nous travaillons en parallèle sur la persona de marque du client, son histoire, ses valeurs, ses caractères distinctifs, ses points forts et ses faiblesses… pour élaborer une identité éditoriale qui soit cohérente et vraiment singulière.

Et puis nous croisons les deux : la stratégie éditoriale se trouve à la confluence des attentes des cibles et de l’identité éditoriale du client ! On va y trouver les thématiques à explorer, la bonne tonalité, les canaux sur lesquels s’exprimer, etc.

Comment évaluer le succès d’une stratégie de contenu ?

En fonction des objectifs qu’on lui a fixé et des différents indicateurs de performances qui en découlent, comme :

  • L’augmentation du trafic,
  • L’augmentation de la visibilité du site sur les moteurs de recherche,
  • Sur les réseaux sociaux, le taux d’engagement,
  • Le développement de la notoriété, de l’influence sur un sujet,
  • Le nombre de prises de contact et leur qualité,
  • Le nombre de téléchargements d’un livre blanc,
  • Etc.

La réussite d’une stratégie de contenu se mesure aussi à l’adhésion qu’elle suscite en interne. Nos interlocuteurs sont souvent des communicants qui mobilisent les experts de leur entreprise pour produire un contenu riche et pertinent. Chez Dixxit, nous maitrisons l’expertise éditoriale. En revanche, l’expertise très précise de notre client (scientifique, technique ou commerciale), nous ne l’avons pas. Nous avons besoin de nous appuyer sur des experts compétents. Si la stratégie convainc l’interne, il est facile de mobiliser les experts pour obtenir des insights. Au contraire, si les équipes internes n’en voient pas l’intérêt, la stratégie de contenu ne tiendra pas. C’est un bon indicateur !

Quelles sont les règles à respecter pour écrire un bon texte ?

Un bon texte doit être clair, structuré, et répondre à un besoin spécifique tout en s’insérant dans une ligne éditoriale définie. Un bon texte a été relu de multiples fois et validé par des gens qui maîtrisent le fond et la forme (souvent, ce sont des personnes différentes). Et surtout, un texte est bon s’il trouve son audience et atteint les objectifs fixés.

As-tu des conseils pour rédiger de manière irréprochable sur le web ?

Avoir un bon niveau de qualité suppose d’être formé à la rédaction web. On n’écrit pas pour le web comme on écrit pour le print. Il y a des spécificités liées au média et à la lecture sur écran : des pages très structurées, des phrases plus courtes, des niveaux de lecture plus nombreux. Sans parler du SEO ou de l’accessibilité…

Chez Dixxit, nous portons les principes du langage clair. Un contenu conçu pour être compris dès la première lecture et facilement utilisable. Nous avons élaboré une méthode qui nous permet de mesurer la lisibilité d’un contenu et de proposer des améliorations. Écrire en pensant à son lecteur, c’est vraiment la base !

Quelles sont les contraintes auxquelles une agence éditoriale fait face ?

Quand on est une agence, les contraintes font partie de la règle du jeu ! Le budget, le planning, le client pas toujours à l’écoute… tout le monde a vécu ça 🙂 Il y a aussi les spécificités liées au support digital, les règles imposées par Google ou les réseaux sociaux, etc. À cela s’ajoute, chez Dixxit, la volonté ferme de respecter les référentiels d’accessibilité ou de sobriété numérique. Bref, des contraintes en veux-tu en voilà ! Mais la contrainte, c’est très propice à la créativité.

Des tendances à nous partager ?

Depuis 2000, j’en ai vu passer quelques-unes… Notamment le webdocumentaire. C’était la grande tendance à l’époque : une capsule interactive qui mêlait de la vidéo, des infographies, du texte… Un format assez coûteux mais qui rendait de beaux produits.

Il y a aussi eu la tendance des infographies très longues, avec un scroll en continu. Une des premières à avoir fait ça, c’est Pénélope Bagieu, dessinatrice de bande dessinée. À l’époque, elle avait un blog BD et elle commençait à être connue du grand public. Elle avait fait une infographie très longue pour l’association Bloom, qui lutte pour la défense des fonds marins.  Une prise de position contre le chalutage profond. Ça a été une vraie découverte, innovante et… incroyablement efficace !

Chez Dixxit, on s’est mis à faire des infographies très longues et c’était génial à scénariser et à produire. Ça marchait plutôt pas mal à l’époque… mais au fil du temps, c’est passé de mode.

La vidéo est une tendance qui dure. On se dit qu’à un moment ça va finir par s’arrêter, mais non ! Elles sont de plus en plus courtes, mais il y en a de plus en plus. Le format vidéo évolue mais reste un contenu très efficace. Aujourd’hui, on produit aussi beaucoup de podcasts. De plus en plus d’annonceurs les intègrent à leur stratégie. Et on adore ça parce que le podcast offre beaucoup de liberté, il n’y a pas encore trop de codes et le champ des possibles est immense.

As-tu un exemple de stratégie éditoriale qui n’a pas fonctionné ? Et pourquoi ?

Je pense à une marque qui, dans sa communication éditoriale, valorisait la proximité et la convivialité. Parallèlement, cette marque collaborait avec une agence SEO qui produisait un contenu certes performant en SEO, mais qui manquait cruellement de chaleur humaine. Ce décalage entre le contenu SEO et la ligne éditoriale de la marque a créé une incohérence. Nous leur avons fait prendre conscience que la première interaction d’un client avec leur marque c’est ce contenu SEO, et qu’il ne correspond pas à leur positionnement.

D’ailleurs, sur le sujet, Dixxit a publié un livre blanc intitulé « SEO : la revanche du contenu » dans les années 2010. Il « tapait » sur les pratiques des référenceurs de l’époque. On prônait déjà à l’époque la création de contenu destiné aux utilisateurs plutôt qu’aux moteurs de recherche. Une approche qui a largement prouvé sa justesse !

Quelle est l’importance pour une marque de développer une stratégie de contenu solide ?

De nos jours, la première démarche d’une personne à la recherche d’un produit ou d’une information se fait sur internet. Le contenu publié en ligne par une marque constitue souvent le premier point de contact avec un client potentiel. Cette première interaction est déterminante pour la suite car la concurrence est rude. Il faut savoir à qui l’on s’adresse, dans quel but et quelles attentes le contenu doit satisfaire.

Un avis sur l’utilisation de l’IA dans la création de contenu ?

L’IA est un outil puissant, très utile pour réaliser des tâches à faible valeur ajoutée ou qui ne requièrent pas une approche originale. Mais je crois fermement en l’intelligence humaine pour produire un contenu authentique et de qualité. L’IA peut aider à définir des sujets ou élaborer des plans, mais le contenu unique et expert restera une expertise humaine, et cela n’est pas près de changer.


Célia Quiviger, experte SEOL’auteur : Célia Quiviger, titulaire d’un M2 E-business, pratique le référencement depuis plusieurs années. Consultante SEO, elle intervient sur l’ensemble des aspects de la visibilité moteur des sites web des clients de l’agence.

Les interviews de La Mandrette