L’intelligence artificielle bouleverse les codes du SEO, mais comment les meilleurs rédacteurs s’en emparent-ils ? Jordan Belly, figure incontournable du milieu, partage sa vision… et sa méthode !

Pourquoi es-tu devenu rédacteur web indépendant ?

Un peu par hasard. J’écrivais depuis 2003 sur un site internet, sur un sujet qui me passionnait. C’était déjà une façon pour moi d’exprimer ma créativité. À la demande d’un futur client, l’occasion s’est présentée de me mettre à mon compte dans une période de changement dans ma vie, et j’ai dit oui. Il est d’ailleurs toujours mon client.

J’ai 44 ans, je suis originaire de Cahors et toulousain d’adoption. J’ai d’abord suivi un cursus scientifique, avant de commencer à rédiger sur le web et donc de développer un versant un peu plus littéraire.

Je lis beaucoup et je cherche toujours à améliorer mon écriture. Je m’intéresse par exemple depuis longtemps aux facteurs qui créent des émotions et incitent les lecteurs à l’action. Je suis à mon compte comme rédacteur web SEO depuis 2014, et je fais aussi de la presse écrite et de l’édition.

Comment utilises-tu l’IA dans ton travail ?

J’ai utilisé l’IA dès qu’elle est arrivée sur le marché car je ne voulais pas passer à côté d’une évolution majeure pour mon métier. Je l’assimile à un gain de temps et elle m’aide aussi à optimiser la qualité de mes productions. Je l’ai d’abord testée sur des brèves et des articles Discover, mais elle m’accompagne aujourd’hui sur tous mes travaux.

Je l’emploie pour structurer mes textes, rédiger des brouillons, me donner des idées, corriger les fautes, améliorer les tournures, et également, dans certains cas, pour traduire et tirer les idées les plus importantes d’un article.

Depuis récemment, elle est capable de trouver des sources, voire des études, pour étayer mes arguments. Bien sûr, il faut systématiquement les vérifier. Je ne l’utilise en revanche pas pour écrire des articles « finis ». J’ai une très forte exigence sur l’écriture.

Quelle est ton IA préférée ?

J’utilise la version payante de Chat GPT, Chat GPT Plus. Je n’ai pour l’instant pas trouvé d’autre IA plus performante. Je suis les évolutions de près. Encore récemment, j’ai testé Claude, mais je le juge un niveau en dessous.

J’ai un ami qui travaille dans l’IA et qui m’informe régulièrement des avancées. On a essayé de mettre en place un outil personnalisé, mais cela n’a pas encore abouti à quelque chose de mieux que ce que propose Chat GPT dans sa version classique.

Comment éviter les textes génériques avec l’IA ?

En se focalisant sur de petites longueurs, en demandant à l’IA d’être plus directe. Je ne crois pas qu’on puisse échapper aux textes génériques si on travaille sur un texte entier. La seule solution, selon moi, c’est d’exiger davantage d’expertise sur des textes plus courts. Mais le regard de l’utilisateur prime et c’est lui qui permet d’éviter les lourdeurs.

Je ne vois pas l’IA comme un outil capable de rédiger indépendamment. Pour moi, elle n’est utile dans la rédaction que si on travaille petit bout par petit bout. D’où l’importance de structurer préalablement son article dans le détail pour éviter les redites.

Comment identifier rapidement si un texte a été généré par une IA ?

Il y a bien sûr les mots très identifiés « IA » comme « cependant » en début de phrase, « crucial », « découvrez » ou « maximisez », qui reviennent très souvent. Mais sur un texte non-retravaillé par l’humain, il y a au minimum 30 % de phrases, ou morceaux de phrases, inutiles. L’IA rédige dans un français « anglicisé » en termes de construction de phrase. Elle met, par exemple, les prépositions en début de phrases. Elle utilise aussi beaucoup la voix passive et inverse très fréquemment l’ordre des mots.

Le travail de l’IA est joli sur le papier, mais sur le fond ses textes ne sont pas porteurs de sens profond. Ses formulations manquent de précision. Il y a des redondances et des transitions pas naturelles. Il y a beaucoup de raisons qui font que ses productions ne convertissent pas le lead.

⁠Quels sont les réglages à mettre en place pour obtenir un bon texte en rédaction IA ? Comment rédiger un bon prompt ?

J’ai au départ passé beaucoup de temps à régler ChatGPT et à travailler mes prompts. Mais je n’utilise finalement plus l’IA comme ça. Je trouve que les prompts et les réglages ne suffisent pas à la canaliser.

D’un projet à l’autre, je constate que l’IA présente des variantes, des humeurs et des caractéristiques différentes. Sa performance se dégrade aussi au fil de la conversation. Il y a un moment où il faut ouvrir une nouvelle page.

Personnellement, j’ai pris la décision de ne plus perdre de temps avec ça. Mes prompts ne font que deux-trois lignes maximum. C’est moi qui la guide. Je garde la main et je l’accompagne dans les différentes étapes. Ma méthode est plutôt basée sur le dialogue. Je pense que l’IA perd de l’efficience lorsque les consignes et les réglages sont trop nombreux.

Comment fais-tu respecter le ton d’une marque par l’IA ?

C’est pareil pour ça. Je me fie à mon jugement pour l’orienter dans un sens ou dans l’autre. Par exemple, s’il y a une partie « tutoriel » et qu’elle se montre trop ferme, je lui demande de travailler plus dans l’esprit « inbound marketing », pour qu’elle ne soit pas trop dirigiste. Je préfère partir d’une base neutre et de la modeler moi-même, plutôt que de lui demander une tonalité qu’elle risque de surjouer. Là encore, c’est juste une question de ne pas vouloir perdre de temps. Je l’oriente étape après étape, pour la ramener sur la tonalité que je souhaite.

Le plus difficile est d’arriver à un texte sans fioritures, sans « bruit ». Après, c’est plutôt moi qui vais ajouter les petits éléments qui vont constituer la tonalité.

As-tu un process pour la relecture des contenus générés par l’IA ?

Je travaille d’abord phrase par phrase, comme je le faisais avant l’IA. Puis je prends de la hauteur pour vérifier la fluidité de l’ensemble. J’opère à plusieurs niveaux : sur le fond et sur la forme. Sur le fond, je vérifie que tout soit juste. Je revois toutes les sources et tous les raisonnements, en particulier si c’est un sujet technique.

Sur la forme, j’ajoute ou je retire des listes à puces, je vérifie la cohérence de la structure et j’améliore les tournures. Quand je ne suis pas satisfait d’une phrase et que je n’arrive pas à la corriger moi-même, j’ai recours à l’IA et elle arrive très souvent à me donner une idée que je n’avais pas. Elle me fait un peu gagner de temps, mais elle m’apporte surtout davantage de qualité.

Est-il difficile de trouver un équilibre entre l’automatisation de l’IA et la créativité du rédacteur ? 

Je ne trouve pas, car finalement je n’automatise pas beaucoup. Je ne lui laisse l’initiative que sur des petits morceaux de textes. Mais je relis tout, donc la créativité, je peux l’apporter à n’importe quel moment.

C’est comme si on travaillait et relisait à deux, en somme. Chacun amène ses idées. Cela vaut pour aujourd’hui, mais peut-être que dans un an ma méthode aura changé !

As-tu remarqué des secteurs d’activités adaptés à l’IA en rédaction ? Et au contraire, des secteurs moins adaptés ?

Il y a des domaines où l’IA me paraît plus entraînée, et donc plus fiable. Sur le domaine de la santé, par exemple. Elle ne comprend rien au foot ou au rugby, mais tu peux lui demander un texte sur la fonction hépatique. Autre exemple, dans le BTP, elle comprend le fonctionnement du matériel et l’utilisation des matériaux, et elle connaît globalement les étapes de la construction d’un bâtiment. Mais si tu lui parles étude de prix ça devient compliqué…

C’est comme si elle n’avait pas tout appris. Quand elle ne sait pas, elle est capable de sortir des non-sens, qu’il n’est pas évident de voir si on n’est pas soi-même expert. Dans la plupart des cas, ses idées ne suffisent pas pour créer un article. Elle n’est pas suffisamment spécialiste, à la fois en termes de technique et de vocabulaire.

Comment former un rédacteur à bien utiliser l’IA ?

Personnellement, je lui conseillerais d’oublier les prompts compliqués qui font perdre du temps. Je considère qu’on tire davantage de l’IA en instaurant un vrai dialogue et en faisant un travail collaboratif.

Je lui recommanderais de bien réfléchir à ses attentes en l’IA : oui, on gagne un peu de temps, mais c’est aussi un outil qui améliore la qualité, à condition qu’il soit bien utilisé. Je pense qu’en rédaction, travailler en micro-étapes est actuellement la meilleure façon de l’employer.

Quel avenir vois-tu pour le métier de rédacteur ?

L’IA reste un outil. Pour l’instant, sans l’œil du rédacteur, je ne la trouve pas capable de produire des textes assez qualitatifs, cohérents, UX… pour engager le lecteur.

J’ai du mal à imaginer que les progrès puissent être suffisants, car cela impliquerait des dépenses énormes. Et d’autant plus que Google veut de son côté toujours plus de qualité et d’humanité. Alors, je pense que le métier de rédacteur web SEO va continuer à évoluer, peut-être vers des textes de formats différents.

Pour moi, il est déjà à mi-chemin entre la démarche journalistique, avec toutes les règles éthiques et de vérification des sources, et la stratégie d’inbound marketing, qui consiste à bien faire les choses pour fidéliser le lecteur. J’ai encore du mal à mesurer les effets qu’aura l’IA à moyen terme sur nos habitudes de recherche.

Il y a peut-être des éléments que je ne vois pas aujourd’hui. Mais à l’instant T, je ne suis pas inquiet, il y aura du travail. Ceux qui maîtrisent les outils comme l’IA bénéficient d’un net avantage face à une concurrence qui n’en tire pas parti. Mon conseil à tous les rédacteurs : restez à jour et adaptez-vous aux évolutions technologiques !

Célia Quiviger, experte SEO

L’auteur : Célia Quiviger, titulaire d’un M2 E-business, pratique le référencement depuis plusieurs années. Consultante SEO, elle intervient sur l’ensemble des aspects de la visibilité moteur des sites web des clients de l’agence.