À la rencontre de Joris Gaigne, product & UX/UI designer freelance, qui partage son parcours et quelques conseils pour les designers de demain.

Comment es-tu devenu UX/UI designer ?

À la base, rien ne me prédestinait au graphisme. Je viens d’une famille d’horticulteurs et d’arboriculteurs. Pourtant, en entrant en Mise à niveau en Arts appliqués (où j’étais d’ailleurs 7e sur liste d’attente) j’ai eu un déclic. Je n’étais pas un grand dessinateur, mais j’ai beaucoup travaillé et le graphisme s’est rapidement imposé comme une évidence.

J’ai enchaîné avec un BTS Communication visuelle, option édition/publicité. À ce moment-là, le web commençait tout juste à émerger et les écoles spécialisées étaient hors de prix, alors j’ai fait une année à la fac d’Aubagne en photo/vidéo. Il y avait un petit module Dreamweaver qui m’a mis un premier pied dans le web.

Diplômé en 2003, j’ai travaillé en agence en direction artistique, identité visuelle et print. Mais je voulais sérieusement me former au web. En 2008, j’ai tout quitté pour partir à Toulouse et me consacrer trois mois au HTML, au PHP… et à l’ActionScript (… paix à son âme !)

Quand j’ai lancé mon activité freelance en 2009, j’ai vite compris l’importance du digital : en quelques mois, il représentait déjà 90 % de mon activité. Je donnais aussi des formations Adobe et j’ai commencé à collaborer avec des agences locales et nationales (Airbus, l’aéroport de Toulouse, BETC Digital…) sur des projets comme Peugeot, Lacoste, la FDJ ou Roland-Garros.

UX UI Designer pour E.Leclerc Drive (site inter E-commerce + application mobile), E.Leclerc Traiteur,  E.Leclerc CHR, E.Leclerc Chez Moi, etc.
UX UI Designer pour E.Leclerc Drive (site inter E-commerce + application mobile), E.Leclerc Traiteur, E.Leclerc CHR, E.Leclerc Chez Moi, etc.

En 2013, j’ai commencé à travailler pour Infomil, ce qui m’a amené à collaborer pendant neuf ans pour E.Leclerc DRIVE. C’est là que j’ai vu le design évoluer : l’« ergonomie d’avant » devenait l’UX Design, les outils changeaient (InVision, Adobe XD… puis Figma).

La direction artistique m’avait naturellement amené vers l’UI, mais je sentais que je tournais en rond si je restais dans l’esthétique. Je voulais que les interfaces soient belles, oui, mais surtout utiles, efficaces, compréhensibles.

Alors je me suis plongé dans l’UX, d’abord en autodidacte, puis via des formations. Beaucoup de pratiques que j’avais déjà ont enfin trouvé un nom, mais surtout, j’ai appris à structurer une vraie méthodologie : pour moi, l’UX, c’est le fond et l’UI, c’est la forme.
Les deux doivent fonctionner ensemble pour créer une expérience qui fonctionne.

Quelle est la place de la psychologie dans ton métier ?

Elle est au centre de mon travail. En UX, on ne conçoit pas pour soi : on conçoit pour des gens, avec leurs habitudes, leurs contraintes… et parfois leurs contradictions. Donc mon premier réflexe, c’est d’essayer de comprendre comment ils pensent et comment ils réagissent.

Création d’un logiciel pour Airbus Defense & Space : Ateliers UX, User flows, wireframes, Design System et UI design
Création d’un logiciel pour Airbus Defense & Space : Ateliers UX, User flows, wireframes, Design System et UI design

Je m’appuie beaucoup sur la psychologie cognitive : comment on traite l’info, pourquoi on clique ici plutôt que là… Et derrière, je réalise des interviews, des tests utilisateurs, de l’analyse de parcours. Ça me permet de voir ce qui motive quelqu’un, ce qui le bloque, ou ce qui peut créer de la frustration.

Et puis il y a l’aspect émotionnel, qu’on oublie souvent. Une interface qui rassure, qui répond vite, qui donne un bon feedback… ça change tout. Parfois, quelques mécaniques inspirées de la gamification peuvent rendre l’expérience plus engageante, mais toujours dans une logique éthique : le but, ce n’est pas de manipuler, c’est de créer quelque chose d’utile, agréable et qui donne envie de revenir.

Comment se déroule un projet ?

Mon processus de conception commence par comprendre pourquoi on fait le projet, pour qui, et le ou les objectifs qu’on veut atteindre. Ensuite, je me plonge dans les besoins utilisateurs, les contraintes techniques et tout ce qui peut m’aider à cerner clairement le problème.

Une fois que j’ai cette vision d’ensemble, je passe à l’idéation. J’échange avec l’équipe, on explore des pistes, je propose des croquis, des wireframes rapides, des solutions échangées pour voir ce qui leur parle… Quand une direction fait l’unanimité, je crée des maquettes plus abouties, avec le design system en support, en faisant attention à la clarté et à l’accessibilité.

Je fais ensuite tester les prototypes pour voir ce qui fonctionne ou non, puis j’ajuste. Et une fois que c’est validé, je travaille avec les développeurs pour que l’implémentation colle à l’intention de départ. Après la mise en ligne, je continue de suivre les résultats pour faire évoluer le produit si besoin.

- Refont UX UI Design du site internet stones-boutique.fr et refonte du site E-commerce sur Shopify
RefonteUX UI Design du site internet stones-boutique.fr et refonte du site E-commerce sur Shopify

À quel moment l’équipe SEO intervient-elle ?

Très tôt. Sur une refonte ou un site e-commerce, on pense au SEO dès la phase de stratégie et de construction de l’arborescence. Ça évite de devoir tout revoir plus tard. Ensuite, j’intègre les préconisations dans les wireframes : la structure des titres, les listes, les tableaux, etc.

Que fais-tu quand les besoins utilisateurs, le business et la technique ne sont pas d’accord ?

Dans ces moments-là, j’essaie surtout de remettre tout le monde au même niveau d’information : ce que veut l’utilisateur, ce que cherche le business et ce que la tech peut réellement faire. Une fois que c’est clair, on arrive déjà à mieux se comprendre.

Ensuite, j’essaie de prioriser collectivement. J’organise souvent un atelier rapide ou une discussion structurée autour de critères objectifs : impact utilisateur, valeur business, faisabilité technique. On peut utiliser des outils simples comme la matrice valeur/effort ou RICE pour faciliter la décision.

Quand il faut arbitrer, mon rôle est aussi de proposer des alternatives concrètes : par exemple une solution intermédiaire à court terme qui pourra être améliorée ensuite. L’idée n’est pas de trancher seul, mais de construire un compromis solide, basé sur des données et du bon sens.

Si je sens que la solution met en danger l’expérience utilisateur, je lève le drapeau rouge : je rappelle l’impact potentiel sur la satisfaction, l’adoption ou les KPI d’usage. À l’inverse, je reste pragmatique : parfois, on ne peut pas tout faire, et il faut choisir ses batailles.

Comment évalues-tu les effets de ton travail sur un projet ?

Un exemple parlant, c’est la refonte du site de Réglo Mobile. Leur site avait quasiment dix ans, il n’était pas adapté au mobile. Ils m’ont laissé une vraie liberté pour repartir sur une approche mobile first et une nouvelle direction artistique. J’ai proposé d’intégrer l’accessibilité dès le début, ce qu’ils ont vu comme un avantage pour tout le monde : pour les utilisateurs, pour l’image de marque, et pour le business.

Et on a pu mesurer l’impact assez vite : les ventes de forfaits ont doublé juste après la refonte, puis ont été multipliées par seize une fois la campagne pub nationale lancée. L’engagement mobile a aussi nettement augmenté, de 67 % à 83 %. Et toute la partie accessibilité a payé, puisque le site a validé le RGAA deux années de suite sans qu’on ait besoin de retoucher quoi que ce soit.

Comment mesurer l’impact d’un bon design ?

Je regarde d’abord les chiffres comme le taux d’engagement, le taux de conversion, le taux de rétention, etc.  Ça donne une bonne première lecture.

Les tests utilisateurs complètent en montrant assez vite ce qui bloque ou ce qui fonctionne. Un autre indicateur que je trouve très parlant, c’est le support client. Quand un design est bien pensé, les gens ont moins besoin d’appeler à l’aide.

Refont UX UI Design du site internet stones-boutique.fr et refonte du site E-commerce sur Shopify
UX & UI Design du site internet de la mairie de Verfeil (Haute-Garonne) : ateliers UX, wireframes, Design System et UI design

Par exemple, pour la refonte du site de la mairie de Verfeil, j’ai commencé par discuter avec la personne de l’accueil pour comprendre les questions les plus fréquentes des citoyens. On a fait en sorte d’y répondre sur le site, et ça s’est vu tout de suite : depuis, le téléphone sonne beaucoup moins. C’est une preuve très concrète de l’impact du design.

Comment imagines-tu l’UX/UI dans 10 ans ?

Je la vois beaucoup plus conversationnelle et contextuelle, grâce à l’IA. Les interfaces vont continuer à s’effacer, on les verra de moins en moins : elles seront juste là, au bon moment. Les design systems seront générés automatiquement, et on les ajustera au besoin plutôt que de tout créer à la main.

On peut aussi imaginer un profil utilisateur universel : on se connecte à un navigateur, et il connaît déjà nos besoins, nos préférences, y compris en accessibilité. L’expérience sera beaucoup plus fluide et centrée sur chacun.

Un conseil à un designer UX/UI qui débute ?

Commence dès tes études à te faire un réseau. Rencontre des gens, fais savoir ce que tu es capable de réaliser. Le savoir-faire te permettra de bien travailler, mais le faire-savoir te permettra de trouver du travail.

Célia Quiviger, experte SEO et LLM

L’auteur : Célia Quiviger, titulaire d’un M2 E-business, pratique le référencement depuis plusieurs années. Consultante SEO, elle intervient sur l’ensemble des aspects de la visibilité moteur des sites web des clients de l’agence.