Consultante en stratégie digitale, chloé aide entreprises et startups à développer leur présence en ligne. Spécialiste du CRO, elle nous partage son parcours, ses méthodes pour identifier les bons canaux d’acquisition et ses conseils pour tirer le meilleur parti des outils digitaux.

Quel est ton parcours ?

J’ai commencé en 2013, en tant que consultante dans une petite agence à Sydney en Australie, à la fin de mes études. J’y ai passé trois ans. Nous avions des clients comme Expedia, Royal Canin ou Bayer, plutôt des gros comptes pour une petite agence ! J’ai eu la chance de plonger dans tous les sujets, à la fois stratégiques et opérationnels.

C’est le moment où on a commencé à se rendre compte que le digital, contrairement au marketing traditionnel, permettait de mesurer les performances et avoir un retour sur investissement. A l’époque, cette agence a eu le bon créneau de se placer sur la performance : nous étions l’une des premières agences à arrêter de faire du « joli » pour se concentrer sur l’efficacité.

En 2016, j’ai arrêté de vadrouiller et j’ai eu envie de rentrer en France pour lancer ma start-up. Pour la faire vivre, je me suis lancée en tant que consultante en stratégie digitale : campagnes Google, campagnes Facebook, SEO et surtout le CRO.  Puis finalement je me suis rendu compte que c’était beaucoup plus sympa que de lancer ma start-up ! (rires) Donc, depuis 2016, même si il y a eu quelques périodes de salariat, je suis consultante à mon compte, et c’est super chouette !

Quels sont les profils de tes clients ?

J’aime la complexité ! Mon petit bonheur, c’est quand un client me dit que son industrie est complexe. Par exemple, Pierre Fabre Médicament. Le secteur des médicaments est très réglementé, ce qui le rend passionnant, car il faut trouver des moyens d’optimiser et de tester de nouvelles techniques pour avancer.

J’accompagne aussi bien des grands comptes que des PME. En général, il y a un projet ambitieux, quelque chose qu’ils n’ont jamais expérimenté auparavant dans le digital : le lancement d’un site e-commerce, d’une application, une montée en gamme de stratégie, etc. Par exemple, une startup avec des ambitions qu’elle ne sait pas comment atteindre fera appel à moi pour l’aider à définir une stratégie et atteindre de nouveaux objectifs. J’interviens pour aider, défricher, apporter mon expertise et prioriser.

Tu nous parle de CRO, qu’est-ce que c’est ?

Je me suis spécialisée dans le CRO, qui est l’optimisation du taux de conversion (Conversion Rate Optimization en anglais) d’un site. Un site web à toujours un objectif : générer des contacts, des ventes, de l’affiliation, etc. Mon métier consiste à augmenter ce taux de conversion, avec de l’A/B testing, par exemple. 

Mais l’A/B Test, ce n’est qu’une petite partie du CRO, on peut faire bien plus. Par exemple, lorsqu’on analyse des campagnes Google Ads et qu’on voit qu’une annonce performe bien, on peut aussi tester ces annonces sur des titles SEO. En e-mailing, on envoie une campagne et grâce à l’A/B testing, on se rend compte que certains éléments de langage obtiennent de bons résultats : on peut alors les tester sur nos landing pages, etc.

Quel est ton rôle en tant que consultante CRO ?

En tant que consultante, je donne des conseils mais je travaille rarement sur la partie opérationnelle. Il s’agit pour moi de comprendre quels sont les canaux les plus pertinents, puis à l’intérieur de chaque canal, définir une stratégie pour l’optimiser. Ce n’est pas toujours évident car c’est au client d’agir, ou de faire appel à des experts pour mettre en place les recommandations.

Dans la mise en place d’une stratégie d’acquisition, qu’est-ce qui guide la décision entre plusieurs canaux ?

J’ai ma propre méthodologie qui permet de comprendre le parcours client : quand on parle de parcours client, on pense souvent à l’arrivée sur le site, au panier puis à l’achat. Mais ça, c’est la partie visible de l’iceberg !

Le client à un besoin, et l’objectif est de comprendre quel est ce besoin et quelles sont les possibilités qui s’offrent à lui.

Dans ma méthodologie, je commence par une interview avec le client, pendant une demi-journée, pour m’imprégner de son activité et comprendre son secteur : qui sont les clients, quels sont les enjeux, quel est le business, etc.

Ensuite, entre les outils d’analyse du client (Analytics, Hotjar, etc), Google Keyword Planner et Semrush, je fais un état des lieux de l’acquisition. Je me débrouille aussi pour interviewer des clients qui utilisent le service afin de recueillir leur avis, puis j’en fais une synthèse.

À partir de ce parcours client, j’identifie les canaux où il y a le plus d’impacts et les « moments critiques ». Si, à un moment clé, nous ne sommes pas présents dans le champ d’évaluation du client, nous perdons ce client à tout jamais. En général, un à trois canaux ressortent comment étant les plus importants : ce sont ceux sur lesquels il faut concentrer nos efforts.

Est-ce que d’autres éléments rentrent en compte dans le choix de la stratégie ?

Il m’arrive d’identifier des canaux inutilisés par le client à l’instant T. Par exemple, il m’est arrivé de travailler pour une entreprise qui utilisait les réseaux sociaux et Google, et je me suis rendu compte qu’il y avait une énorme opportunité sur YouTube, parce qu’il y avait un besoin à un moment précis et que les gens cherchaient des informations. Je pense que c’est mon rôle, en tant que consultante, d’oser dire « stop » à certaines stratégies utilisées mais qui ne fonctionnent pas suffisamment, quitte à basculer sur un autre canal totalement différent.

L’emailing est parfois sous-estimé. Il m’arrive de voir des entreprises avec des bases de données 50 000 personnes qu’elles n’exploitent pas, alors que ces contacts sont qualifiés. C’est dommage de ne pas les utiliser !

Il m’est aussi arrivé de travailler avec des startups sur des projets innovants que personne de recherchait encore… C’est compliqué de faire du SEO sur des requêtes encore inconnues. Il faut passer par la notoriété, mais sans résultat immédiats.

J’estime que c’est là que j’apporte le plus valeur : quand j’arrive à identifier le canal qui fait la différence.

Que penses-tu de la vidéo dans une stratégie d’acquisition ? Un indispensable ou peut-on encore s’en passer ?

On oublie souvent que YouTube a cartonné à l’époque où la qualité des vidéos était de 320 px ! Souvent, quand je recommande à une entreprise de se lancer dans la vidéo (sauf s’il s’agit d’une grosse marque), je leur dis d’utiliser un iPhone pour commencer. Testez, essayez, plutôt que d’investir tout de suite dans du matériel coûteux ou dans des agences spécialisées qui produisent des vidéos à des milliers d’euros pour peu de résultats. J’ai plutôt tendance à dire : lancez-vous ! Et améliorez-vous ensuite. S’il y a une opportunité, même avec une simple vidéo iPhone, c’est mieux que pas de vidéo du tout.

Depuis que tu as commencé le consulting, vois-tu une différence dans les problématiques de tes clients ?

Oui et non ! Il y a un sujet qui revient tout le temps : je n’ai jamais eu un client avec un tracking irréprochable. C’est toujours le premier chantier ! On ne peut pas établir une stratégie ni mesurer les performances si on n’est pas certain de ce que l’on mesure.

Pour les grands comptes ou les PME, la complexité du digital est souvent un obstacle. De plus en plus de réseaux apparaissent, ce qui rend les stratégies plus difficiles à comprendre et à faire évoluer. Certains clients se lancent dans le digital sans avoir toutes les clés en main. J’ai eu dix ans pour prendre chaque canal quand ils se développait, mais aujourd’hui une personne qui démarre peut se sentir complètement submergée. Une PME peut penser « Il faut tout faire, mais on n’a pas les compétences, pas le temps et pas l’argent ». Tandis qu’un grand groupe pourrait dire « Il faut tout faire, donc on va partout à la fois ».

Mon conseil est de se concentrer sur les canaux les plus pertinents, ceux qui apporteront le plus de valeur par rapport à ma cible.

Y a-t-il des secteurs d’activité plus réticents au changement ?

D’après mon expérience qui n’est pas forcément représentative, je rencontre souvent des personnes qui ont envie de changer et de faire bouger les choses.

La résistance au changement vient souvent du PDG ou du directeur digital. Je remarque deux types de profils : ceux qui sont très agiles, qui veulent tester des choses et qui savent s’adapter rapidement. Et ceux qui, pour diverses raisons, ont du mal à changer.

Parfois, c’est dû à la taille de l’entreprise. Dans certains grands comptes, même si la personne en charge veut bouger, elle n’est pas toujours suivie par sa hiérarchie.

Par contre, j’ai déjà travaillé dans des secteurs comme le BTP, où on pourrait penser que ce sont des industries « à l’ancienne » mais finalement, le patron sait comment ça marche, il sait où il veut aller, et il fonce. Travailler avec des personnes comme ça, avec un peu de budget et beaucoup d’ambition, ça peut avancer très vite !

Comment se passe l’intégration avec les équipes en interne ?

En général, ça se passe bien. Quand on fait appel à moi, c’est qu’il y a une frustration d’avoir travaillé avec des agences qui ne comprenaient pas leur réalité. Le digital est tellement complexe qu’en travaillant avec cinq interlocuteurs différents, on ne peut pas avoir suffisamment de temps pour s’approprier le projet.  

Parfois, ce sont des gens qui veulent comprendre la complexité du digital et bien faire, mais ils n’ont pas trouvé quelqu’un d’assez synthétique pour parler leur langage. Grâce à mon expérience professionnelle, où j’ai été en contact avec des PDG, des développeurs, des graphistes, des marketeurs opérationnels, etc. je peux comprendre leur vocabulaire et enjeux tout en simplifiant la problématique.  

On se rend compte que dans les entreprises, les différents services n’ont pas l’habitude d’échanger. Par exemple, les commerciaux rencontrent quotidiennement des problématiques clients qui pourraient être utiles au service marketing pour affiner leurs campagnes digitales.

Il m’est arrivée de mettre en place des rituels hebdomadaires chez un client, avec des outils de gestion de projet comme Trello, pour discuter, échanger sur les projets en cours, partager des documents, etc. Ça a fluidifié les process !

Les entreprises qui font appel à toi n’ont pas de chef de projet en interne ?

Si, mais ce sont des personnes débordées, qui gèrent 45 projets à la fois ! On fait appel à moi par manque de ressources humaines ou, dans des plus petites structures, ce sont des personnes juniors qui ont besoin de monter en compétences. Ce n’est pas facile de sortir la tête de l’eau ! Moi, j’arrive avec un œil extérieur sur le projet, ce qui permet de prendre du recul. Faire appel à un expert permet aussi de gagner du temps sur le projet.

Quels outils utilises-tu en gestion de projet ?

J’aime bien Trello, c’est un classique qui fait juste ce qu’il faut et qui permet de ne pas s’éparpiller. Je me suis aussi formée au Nocode, par curiosité, avec des outils comme Notion et Airtable, qui ont le vent en poupe. On peut aller très loin et les personnaliser !

Mais attention à ne pas s’éparpiller et à ne pas avoir trop de fonctionnalités. Pour moi, Trello fait le travail, et il est facile à partager. Côté UX, il permet de visualiser le projet facilement, c’est simple et efficace.

En tant que consultante, on doit s’intégrer aux outils des clients. Il suffit qu’ils n’utilisent pas les ressources que moi pour que je me forme à tous ses outils. C’est mon cas d’ailleurs ! J’ai à peu près 8 adresses emails pour tous les comptes avec qui je travaille, 8 agendas, 8 comptes Google Ads, 25 comptes Analytics, et j’en passe. Mais c’est le rôle de tout bon consultant (rires)

Si tu pouvais revenir à tes débuts, quel conseil aurais-tu aimé recevoir plus tôt ?

Se former continuellement. C’est facile de se reposer sur ses lauriers… Dans le digital, il y a au moins une plateforme majeure par an qui émerge et beaucoup de tendances. C’est facile de se laisser dépasser et de ne plus être à jour ! On peut se former sur LinkedIn, utiliser ses crédits CPF, etc. Et un deuxième conseil : ne pas négliger son réseau. Souvent on dit qu’on n’a pas de réseau, mais il faut se le créer ! Aller à des conférences, faire des interviews, s’intéresser aux autres. Tout bon consultant marche beaucoup au bouche-à-oreille.

Célia Quiviger, experte SEO et LLM

L’auteur : Célia Quiviger, titulaire d’un M2 E-business, pratique le référencement depuis plusieurs années. Consultante SEO, elle intervient sur l’ensemble des aspects de la visibilité moteur des sites web des clients de l’agence.